vendredi 2 juin 2017

Chronique d’un animal solitaire ou La Résurrection ontologique

Raynaldo Pierre Louis 
Il n’y a pas de plus pur instant que lorsque le silence du soir plane tendrement dans les parages, à même d’éveiller et envoûter ma mémoire somnambule. Ma plume loufoque et farfelue vole et s’envole dans son fol élan jubilatoire, quelque peu timide. Mon âme vogue légèrement sur une frêle pirogue et rêvasse à n’en plus finir sous les auspices de la nuit. À dire vrai, Aurore ne tardera pas à ouvrir les portes de l’Orient pour qu’Hélios, dans ses éclats dorés, illumine les bords de l’horizon. Alors, pour l’instant, je ne suis qu’un minuscule point en mouvance, un faible point dans l’espace, un atome qui divague, un électron plus ou moins libre, en voyage entre les intervalles de la nuit et le lever du jour. Mais à quoi  pensé-je donc ce soir? À qui ? Lamentablement, mon âme ne saurait  se soumettre à pareille interrogation. Finalement, qu'importent mes pensées, et qu'importent leurs  errances!

Probablement à cet amalgame de souvenirs aigres-doux qui s’entassent pêle-mêle, bras dessus,  bras dessous, en ma mémoire. Trop de souvenirs tachés, cachés dans le linceul de l’Inconscient,  confus dans une mémoire trop pesante et extravagante, qui ce soir, se veut  incontestablement rétrospective. En effet, faire le bilan du passé, interroger sa longue et rude trajectoire existentielle au regard du présent, est peut-être une urgence à laquelle on doit au moins accorder quelques minutes de réflexion...

Hélas! Ce passé, quel est donc son usage? Quelle importance capitale conférer à cette modalité temporelle dans l’existence si l’on omet la sagesse populaire? « le passé nous suit toujours » et que « le temps mange la vie » (Baudelaire, L’Ennemi, Les Fleurs du Mal) ? Le passé aurait-il des pieds ? Le temps, possède-t-il des incisives, des canines et des molaires ? Je ne le saurais ! Mais, qu’est le passé, qu’est le temps, qu'est le présent ?

Sans aucun doute, c'est bien au présent que je rédige ce texte!  Et pourtant, déjà ces lignes s’inscrivent dans les archives du passé. Conjecturons donc à cet effet que le passé et le présent (le futur aussi) ne sont qu’apparemment ou symboliquement que des voisins, condamnés à vivre côte à côte, et à s’entrechoquer ou s’harmoniser, suivant l’agencement des choses et/ou des pions posés par l’homme, tout en tenant compte des accidents de l’histoire et la façon dont nous les percevons. La vie n’est pas un spectacle cinématographique où  scènes et images défilent à loisir. Car, ignorer les accidents de l’histoire c’est effectivement avouer ne pas connaître, ne pas comprendre, ne pas saisir l’existence dans toute sa complexité et sa dimension anarchique. Le cours de l’existence, loin d’être un fleuve tranquille, s’apparente davantage à une mer houleuse, avec ses grosses vagues, ses tempêtes déchaînées, ses flux et ses reflux. Les accidents, aléas auxquels il faut se soumettre, nécessité oblige, nous n’y pouvons rien. Retournons donc  au passé !

D’ordinaire, notre passé est  conçu tel un lieu de géhenne, de supplices, de tortures... angoissant, épouvantable, eschatologique. La cause ? S'il est avéré que le présent engendre le passé, on peut alors émettre l’hypothèse que c’est peut-être parce que nous n’avons toujours pas su faire un bon usage du présent, faire les  choix judicieux,  au moment opportun. D’où notre sainte horreur du passé, au profit de notre perpétuelle projection vers le futur, notre obsession de l’avenir comme seule issue, comme source d’espoir et de consolation. Or, cela aussi est méprise, évidente erreur,  puisque la vie ne se vit pas au futur mais  dans l’urgence de l'immédiateté, dans la jouissance dynamique et ponctuelle de l’instantanéité. Mais toujours et encore, notre négligence, notre infantilisme mental nous poussent à reproduire les mêmes schémas existentiels. Prendre un passé ténébreux pour miroir, comme référence,  c’est s’effilocher au fil des heures et construire un échafaud sur lequel on se crucifie, s’écartèle ontologiquement jour après jour.

Cesser de percevoir son passé comme un épisode négatif ou comme un film où toutes les horreurs sont possibles, c’est l’accepter en tant que  partie intégrante de sa vie, inhérente à la vie elle-même. La dépréciation du présent, accompagnée de l’horreur du passé, doublée d’une forte obsession du futur, ne s’inscrivent que dans un processus d’empoisonnement et d’envenimement de la vie. Ne pas être en paix avec le présent, (seul espace de liberté, de jouissance, d’action) et le passé, suppose en effet, ne pas être en paix avec son essence fondamentale, car le présent est tout ce qui est, et le passé occupant et constituant la part archivée de notre existence…

L’ « amor fati » nietzschéen semble hors de portée lorsqu'il n'est pas conçu dans l’esprit des Stoïciens : « Homme, tu es le seul dieu assez puissant pour te rendre heureux. Sois à toi-même ton propre maître et ton esclave. Entraîne-toi à tout surmonter, c’est de la boue et de la souffrance que naissent les âmes fortes.» (Diogène de Sinope)

Être austère envers soi-même, tâcher d’être fidèle à ses convictions, ses aspirations et ses passions, ne mettre personne au-dessus de ses propres lois, bref, tâcher d’être fidèle à ce que l’on est réellement, authentiquement, voilà avec quoi bâtir vigoureusement un noble trajet existentiel qui implique rudesse et hardiesse psychologiques. Et si l’on s’y met avec toute la détermination que suppose tout travail assidu, la « grande santé » nietzschéenne est alors accessible.

À présent, mon âme, de cet air frais, fais en tes délices, réjouis-toi de ces cris d’oiseaux, exulte-toi de ce pur et simple instant où la sérénité t’est offerte.  Poursuis sans relâche ta quête d’ataraxie, en tout et partout, ne sois pas dans la démesure ô mon âme, sois dans la mesure, le simple et noble, voilà l’équation minimaliste du bonheur. À présent, j’apprends... Et si la conscience peut se définir comme vigilance psychique, alors je tâche d’être vigilant en tout lieu et en tout temps, afin de garder invariablement ma conscience en éveil. Ainsi, J’apprends, à chaque occasion. J’ai bien compris, tout m'est leçon...  la vie est fugace de part en part : amis, femmes, familles et autres vanités insignifiantes. J’apprends. J’entends. Je vois. Je pense.  Je note. J’écris, puis j’avance… Et ma Sagesse tragique me tient encore debout dans les lumières du monde.

© Raynaldo Pierre Louis,
Poète et écrivain,
Jacmel, (Platon-Gosseline),
Vendredi 19 mai 2017.

lundi 25 avril 2016

Le courage d'être soi

Dans le remarquable bouquin '' Le courage d'être soi '', ( Les Editions du Relié, 1999 ) Jacques Salomé nous propose une noble démarche existentielle tissée de perspectives et de repères valables, pour envisager avec le monde une existence harmonieuse à même de générer une authentique et perpétuelle quête de soi accompagnée pour ainsi dire d'une jubilation des sens au seuil même des méandres du labyrinthe social. A cet effet, le livre se mue en sédatif :


'' Toute démarche spirituelle fondée à la fois sur une aspiration à la transcendance et sur un besoin d'approfondissement nous accule au dénuement. (...) Tout processus de changement impliquera la nécessité de se dépolluer de la violence ou des violences reçues au cours de nos différentes expériences de vie, à la fois pour libérer des énergies mais aussi pour se réapproprier un pouvoir d'influence sur sa propre vie. Prendre soin des blessures ouvertes en nous déclenchera un processus de réconciliation, de réunification profonde. La recherche d'un mieux-être, le maintien d'un état de santé durable passent par un lâcher-prise sur les ressentiments, par une dépollution des sentiments négatifs qui nous habitent, par un nettoyage de la '' tuyauterie relationelle '' qui reste trop souvent encrassée par des situations inachevées et par la trace des violences reçues dans le passé. ''

''Le courage d'être soi '', voilà un bouquin qui en vaut la peine. Un ouvrage qui nous fournit des balises pour une formidable odyssée de la conscience, '' une chartre du mieux-être avec soi-même et avec autrui. Un pont entre la psychologie et la spiritualité. '' Cet ouvrage se présente comme une éventuelle planche de salut ou une médication essentielle pour tous ceux qui se cherchent constamment dans les paysages brumeux et poussiéreux de la pauvre existence humaine.

Nombre d'interrogations me viennent fréquemment à l'esprit . Qui d'entre nous est psychologiquement prêt à se hisser à bord du grand bateau ontologique, prêt à plonger et nager dans les ondes immenses et profondes de sa conscience, prêt donc à renoncer aux fausses valeurs du monde ? Oui qui parmi nous est vraiment prêt, prêt à jeter ses breloques par dessus bord et partir à tout prix en pleine mer à la conquête de soi-même ? Le monde brille comme un faux bijou, la vacuité identitaire bat son plein et l'on vogue dans une sociéte factice où l'humain gesticule comme un automate réflexif, voire comme un pantin véreux de pacotille, là où toute une horde de bêtes mécanisées croupissent honteusement dans les dédales sordides voire abjects du quotidien...

L'homme moderne a peur de lui-même, c'est-à-dire qu'il a peur de sa propre solitude, peur de l'affronter et de l'assumer jusqu'au bout. Il est ainsi donc victime de lui-même sans s'en rendre compte, trébuche dans le superflu sociétal et la platitude crasseuse dominante, traîne misérablement les lambeaux et les dernières bribes de sa vie en périphérie de soi. Par conséquent on peut conjecturer qu'il n'est donc jamais lui-même et peine même à apprivoiser ou découvrir son ombre, puisqu'il n'y chemine pas pour ainsi dire dans les sentiers et foyers lumineux de la Conscience. Or la solitude assumée est la Voie royale qui mène à toute conscientisation ou toute authentique Quête de Soi.

L'Homme est solitude, oui '' nous sommes solitude '', écrit Rilke... Et à force ostensiblement de patauger dans une mesquine et ridicule société banalement antipathique je perçois le fait d'assumer cette solitude comme un refuge , une planche de salut, et cet isolement sera protecteur s'il est ascétique. Comment sinon se préparer à rencontrer l'autre, quand l'autre le plus souvent n'est qu'une caricature de lui-même, une vaste profondeur inconnue qui s'ignore vraisemblablement et qu'on ne découvrira peut-être jamais.

Apologiste du vide, du vide constructeur et jubilatoire, je m'aventure tel un lucide funambule sur la corde raide de l' Esprit, avançant opiniâtrement vers le Soi dans le cosmos au-delà des contingences sociales. La première urgence consistera à se focaliser sur soi , son moi le plus sincère, sans nullement besoin d'envoyer l'autre au diable , quoique l'autre puisse entraver toute tentative d'une stable ataraxie. Se focaliser sur soi avec amour suppose de se percevoir comme une fenêtre sur le temps, loin de tout égocentrisme et narcissisme desséchants, mais avec une vigilance permanente vis-à-vis de soi et à l'égard d'autrui , vigilance qui est un premier réflexe de sagesse. Sur cette base s'édifiera peu à peu une individualité souveraine, radieuse et solaire , une démarche originale rationnellement hédoniste... Le courage d'être soi est foncièrement un exercice rigoureux...

© Raynaldo Pierre Louis,
Avril 2016


lundi 5 octobre 2015

Apología de la poesía

«Todo lo que nos rodea es poesía, nuestra relación con los demás es poesía... » como para parodiar, obviamente, la famosa frase de Jackie Chan sobre el kung fu. En realidad, todo lo que constituye el universo es material poético. La poesía es en ese  sentido, viaje-misticismo-onirismo, sensación y fragilidad. Dicho acto se lleva a cabo y se manifiesta a través de uno mismo y en todo el mundo; para uno mismo y para el mundo; el mundo dado o el mundo vivido que todos llamamos Destino por convención humana.

La poesía es viaje, una forma de errar…, introspección. Es la autobiografía de un alma en tránsito, toda la psicología de una vida, de una persona o de un pueblo dado. Pero por encima de todo, ella quiere ser belleza y elegancia. Pues digamos,« la estética ante todo», parafraseando el  ''Arte Poética'' de Verlaine. De hecho la poesía fue efectivamente utilizada como arma de combate o revolución en siglos anteriores. No podría por lo tanto, prescindir de la estética o la belleza en el verdadero sentido del término, de lo contrario no sería poesía sino otra cosa, con cualquier otro nombre muy particular. No es por bromear ni especular que se dice que « la poesía es el lenguaje de los ángeles ».Lo es, en esencia, y es esta quintaesencia misma lo que la caracteriza.

No es erróneo el enunciado donde se afirma que es « el más noble de los géneros literarios ». Su exactitud lingüística, su forma, su fluidez, su equilibrio estético que rivaliza con los ángeles, su traje brillante de palabras que saltan a la vista, es la evidencia inevitable y decisiva de que así es. Todos los géneros literarios le deben algo a la poesía, aunque sea minúsculo. El cuento, la novela, el teatro, el ensayo... todos le han robado algo a la poesía y ese algo, algunos podrían llamarlo « la elegancia sublime de las palabras », que bailan en las páginas a lo  largo de los bulevares iluminados de belleza, o en el fantástico bulevar de la mente del poeta. Incluso tenemos la impresión y la sensación, una hipótesis sorprendente, de que todo lo que es hermoso y elegante en general, tiene que ver con el arte del dominio de la poesía aplicado a todo. Para este efecto Joubert (1754-1824) habla en términos suficientemente majestuosos e impresionantes: « ¿Qué es la poesía? No sé en este momento; pero yo sostengo que se encuentra en todas las palabras utilizadas del poeta verdadero, para los ojos algún fósforo, para el gusto un poco de néctar, para la atención una ambrosía que no se encuentra en otras palabras ». Él va más allá diciendo: « Las palabras del poeta conservan el mismo significado aun cuando se separen de las demás, y aisladas, siguen seduciendo al igual que sonidos hermosos. Son palabras brillantes, de oro, perlas, diamantes y flores. » Joubert es, como yo, un simple panegirista y un ferviente apologista de la poesía.

Por otra parte, las preguntas más relevantes que deberíamos hacernos, serían obviamente las siguientes: ¿Por qué es la poesía tan mal vista por muchos? ¿Por qué está tan marginada? Y ¿por qué queremos considerarla  a toda costa como un simple juego de fantasía? Y, por último, ¿por qué la gente prefiere las novelas? La respuesta es simple y muy breve, por cierto. Algunas personas  pierden su tiempo buscando encontrar una supuesta  lección moral mediante la lectura de un texto poético, o un consejo saludable destinado a fortificar. De forma que la poesía sea para ellos tal vez una fábula, pero no es una regla absoluta. Incluso Montesquieu ha atacado a los poetas, y el propio Sócrates nuestro viejo filósofo griego  decía: « Los poetas no entienden lo que dicen ». Así que se podría decir, que ellos se atribuyen al sueño, a la ensoñación desbordante, a la inutilidad y a la nulidad misma. ¿No se ha dicho que « los poetas viven en las nubes »?

Se puede vivir sin poesía, sin duda alguna, como se puede vivir sin la filosofía, sin embargo, eso no quiere decir que ambas son inútiles. El famoso Charles Baudelaire, digamos nuestro prestigioso poeta maldito,  de hecho nos había advertido acerca de esto. Él nos enseñó que: « La poesía es lo más real, es lo que es completamente cierto sólo en otro mundo. Mucha gente imagina que el propósito de la poesía es una enseñanza cualquiera, que debe fortalecer la conciencia,  perfeccionar la moral, al final mostrar algo útil ...La poesía aunque puede por sí misma, cuestionar su alma, reavivar sus recuerdos y entusiasmo, no tiene otro objetivo que ella misma; no puede tener ninguna otra. (...) La poesía no puede, bajo la amenaza de muerte o el fracaso, asimilarse a la ciencia o la moralidad; no tiene como objetivo la verdad, ella existe por sí sola. » Esa es la verdadera misión que le ha asignado Baudelaire a la poesía.

La palabra poética proviene de la intuición artística,  surge de la urgencia de decir, en la urgencia del tiempo. Revela la necesidad de expresarse de inmediato para dar a conocer un estado de ánimo, abrir el alma, o mostrar la alegría fugaz o constante. Pero… « la paz de la mente no conduce a la creación artística » y « uno debe aceptar el sufrimiento para crear la menor canción». ¿Cómo podemos pretender escribir sin un mínimo rasguño en el cerebro? ¿Sin haberse aprehendido por unos segundos la parte interior del dolor, ni palpar la osamenta del abismo? El mundo mismo es un caos, y la escritura surge de este caos. Muchos poetas y escritores han ilustrado claramente esta comedia humana atroz. Baudelaire, Edgar Allan Poe, son ejemplos vivos, sin olvidar a Rimbaud, Lautréamont, Homero, Frankétienne, Davertige, etc… El drama del escritor es omnipresente, y esta fue la razón que nuestro poeta portugués Pessoa nos dijera: « La literatura es la prueba de que la vida no es suficiente. »

Pero cuidado... depende... Cada poeta asigna una función a su poesía. Recordemos o especificamos que hay dos clases de poetas en este mundo. Esto depende principalmente en su psicología individual o su visión personal del mundo dado. La primera categoría está a la búsqueda de  trascendencia a cada paso, y la otra categoría, busca refugio en la autoflagelación. Sin embargo, su punto común entre ellas sigue siendo « la sublimidad del lenguaje », que moldean y esculpen juntos en la misma olla o el mismo jarrón de diamante, estando siempre accesible. Digan lo que digan, nada se escribe en vano. La poesía nunca ha sido un acto inútil. El acto de escribir esconde en sí mismo una serie de vitalidades. Y esta es quizá la razón por la cual Pierre Seghers (poeta, editor francés) nos dijo que: « De donde sea que venga, e incluso de los más reservados, el poema es un grito de amor que llama a una comunión misteriosa, busca involuntariamente la otra voz, la otra mitad que es usted mismo. Si la poesía no lo ayuda a vivir, haga otra cosa. Encuentro que es esencial tanto para el hombre como los latidos de su corazón. »

Los poetas nos vivifican y reactivan el pequeño fuego interior, intensamente chispeante. La poesía es una corona de flores. Es una mujer desnuda exhibiendo sus senos a todos los interesados. Calma, trastorna, embellece, alegra y adorna los momentos fugaces de la pobre existencia humana. 

¡Larga vida a la lira de los poetas! portadora de luz y de toda la armonía de los cielos, aunque el mundo le dé la espalda a la belleza del alma, para atiborrarse en cambio de cosas materiales y otras curiosidades de baja estofa. El individuo sin belleza interior no es nada más que una masa de carne absurda, una espantosa y miserable funda, que envuelve unos huesos despreciables.

© Raynaldo PIERRE LOUIS,
Traducido del francés 
por el poeta-medico haitiano Jean Jacques Pierre-Paul

jeudi 10 septembre 2015

Jean Jacques Pierre-Paul…, ou le poète aux vastes espoirs…

Tenter d’élaborer une critique sur un recueil de poèmes s’avère être déjà une scabreuse aventure…, aigre-douce, par-delà bien entendu les falaises obscures de la poésie. En effet, comment entrer dans le champ/chant d’un poème ? Par quel pied ? Sur quel pied ? Par quel œil pénétrer le couloir ?  Par quel artifice se glisser pour ainsi dire dans le tunnel du poème quand la seule vérité poétique qui existe se veut être plutôt subjective ? Et, en plus, comment lire un texte poétique sans microscope parmi ces mille et une images qui dansent formidablement, qui s’amalgament admirablement, antithétiquement sur la pâle vitre de l’œil ?

« un poète qui pleure
est une rivière qui pleure »

« je ne veux pas vivre
je ne veux pas mourir »

« à corps perdu je dévore  tous les matins
une page de ma vie
éteins-moi ce soleil qui danse dans ma tête
je veux être seul dans les parois de mon rêve »

« fou n’est pas celui qui vit sa folie

fou est celui qui ne défend pas sa folie »

« désert je suis et mon errance s’appelle poésie »

De toute façon, on doit y entrer, y pénétrer, puisque…, il faut quelqu’un. Soit un habile voyageur, un ingénieux ou un authentique explorateur, ou, du moins, un espiègle visiteur…, cherchant à tout voler, tout cambrioler sans rien laisser dans la maison du poète. Ainsi, je me découvre voyageur, explorateur-visiteur perdu aussi loin dans les ondes de la poésie de Jean Jacques Pierre-Paul. Oui. Perdu… Perdu…  Et, par conséquent, je peux bien me vanter d’y être entré, et j’y ai volé ses joyaux, ses images, ses délires et ses rêves d’espoir…

Il n’a jamais cessé de croire au pays rêvé. Il n’a pas peur de le dire au monde.
«  tout est raison de vivre »

«  un pays est un rêve qui ne meurt jamais »

« je sais que mon pays n’est pas mon destin
je suis le destin de mon pays » 

Alors, je me demande, me questionne, m’espionne par-delà ce pan de ciel fragile où je vogue…, et, probablement, sans parachute aucun. Et… Je beugle. Je m’essouffle. Divague… Palabre… De quoi est faite, je dis, la poésie de ce « poète timide et vagabond » ? Et… Euh… Ne l’ai-je donc pas déjà esquissée ou annoncée quelque part ? Juste ci-dessus ? Mais quelle démence ! Quel délire délirant de ma part ! Bof !!! Si je l’ai déjà énoncée : « J’y ai volé ses délires et ses rêves d’espoir…». Mais.., par contre, erreur, erreur, car Jean Jacques Pierre-Paul n’est pas de ces poètes que deux ou trois mots peuvent résumer aussi facilement. Il faudra de toute évidence un peu plus d’effort, pour pouvoir saisir ou appréhender le fond de sa toile.

«  la poésie serait avant tout l’art d’écouter
l’art d’errer  vers l’autre »

À lire ses recueils « Delirium », « Fleurs d’existence » et « Rêvitude ou la gestuelle du midi des hommes », publiés au Chili aux Editions « Marche Infinie » et « Ambos editores », on se rendra bien compte que les thèmes du voyage, de l’exil, de l’errance constituent donc les thématiques fondamentales, propres à l’auteur :

« je ne t’invite pas à interroger
les dernières folies de l’homme
(…)
je ne t’invite pas à célébrer l’errance
je veux tout simplement t’exhorter
à aimer les paradoxes du voyage »

« mon voyage au bout de moi-même
au bout de rien
où nos ombres se croisent »

D’autre part, on y décèle aussi les thèmes de la ville, de la terre natale, de l’amour, du silence, de la thébaïde ou de la solitude existentielle :

« je te dirai que dans ma rage
dans ma douce rage il y a un pays qui saigne

et je chante le bleu et rouge
comme les nymphes deflorées de ma terre »

« j’ai longtemps habité ma solitude
je n’ai pas peur de ma fragilité »

« je n’ai que caresses et monologues
pour bécoter les grands cris du silence

tous les murmures brisés de la ville
disent mes intempéries »

La solitude, celle dont on a besoin  pour nourrir l’âme, est aussi un thème qu’il ne passe pas inaperçu dans ses livres.

« ô solitude
viens naître dans mon cœur
inspire-moi des jardins… »

« chaque errant porte le nom de sa folie »

Et comme tous les poètes du monde il doute, mais ne cesse jamais de marcher,  de « se chercher parmi les hommes »

« fleur d’infini, fleur de minuit
je ne sais pas encore qui je suis
mes pas disparaissent
dans les bruits du monde
chez moi tout est périssable
sauf l’envie de vivre »

« moi j’habite aussi la frontière
où  l’homme change ou meurt

tous mes chemins passent
par le centre absolu de l’abîme » 

En somme, la thématique du « pain » y est aussi omniprésente. Le souci du devenir de l’humanité, du destin de l’homme, mais le poète demeure par-dessus tout un véritable chantre de l’espoir.  J’aime particulièrement chez lui sa profonde vision du monde et de la poésie qui m’enchantent démesurément. La poétique de Jean Jacques Pierre-Paul oscille entre symbolisme et réalisme, entre introspection et rétrospection. Un retour au passé, à l’enfance, aux souvenirs brûlés de la mémoire. Poète « nomade enraciné dans sa terre » comme l’aurait dit René Depestre. Poète-prophète-philosophe, tout comme Victor Hugo, c’est-à-dire celui qui montre la voie aux autres, aux plus faibles… Son œuvre n’est rien que l’illustration d’un homme qui a vécu et vaincu la mésaventure humaine dans ses « paradoxes » et ses exultations les plus ostentatoires. C’est aussi un hymne ou une ode à la folie, sa folie, tourbillonnant autour du rêve, souvent mélancolique, inachevé…

« peu importe
le nom qu’on me donne
chacun vit et parle selon ses folies » ( Delirium )

« cataclysmes moléculaires à portée de ma voix
équinoxes des jours absents en papier filigrané
écrire jusqu’à la dernière goutte de mot
écrire jusqu’à la fin de la prophétie
écrire jusqu’à la transfiguration

c’est-à-dire exorciser la vie

et la parole qui confirme l’éternité du rêve deviendra poésie

ô mon rêve invente-moi ».

( Rêvitude ou la gestuelle du midi des hommes )


Laissons le poète conclure avec cette apologie de la folie, du délire existentiel :

« il n’y a rien plus dangereux qu’un homme
sans parole, sans espoir, sans délire »

« tout ce qui n’est pas fou a tort d’être »

© Raynaldo Pierre Louis,
Poète-écrivain,
Saint-Domingue, juillet 2015


jeudi 16 juillet 2015

Pour mes fleurs thébaïdales*...



Je suis avant tout..., l'horloge déréglée, la folle pendule tournant à rebours au revers du cosmos, le vieux zéro banal plaqué en vrac au quotient du temps légendaire. Appelle-moi donc nullité parfaite, nihilisme absolu, absurdité féconde ou ridiculité suprême. Poète mouillé-dépouillé, dépourvu de champs/chant, ô cor/corps sans âme/arme, je suis une formidable connerie, une râture migratrice, un virus, une page errante allumée au souffle de l'abime, une feuille d'automne pourrie ondulant dans la brise bavarde. Et pourtant..., je suis quand même conscient d'être quelque chose, de précieux, comme par exemple, une figurine dansant sur un mur, un véritable squelette parcourant les nues du délire, ou une fiente d'oiseau en chute libre entre les lèvres du vide. Ou du verbe. Mon verbe : mon admirable centaure qui se dévore. 

Mais..., comment peut-on prétendre vivre seulement de mots et de pensées dans un monde si matérialiste ? Ouf ! Château de sables au coin des yeux du pâle mage noctambule, somnambule du rêve inaccompli... Je dois de toute façon enterrer ma démence, et caresser mes fleurs thébaïdales*. Personne en effet ne meurt d'amour, mais de poison ou de venin existentiel dans la poitrine de l'univers, et l'amour dit-on, ne sait pas tuer... Mais la mort. La mort, chevauche mon rêve tel despote. Et tombeau. Tombeau. Sarcophage. Pour inhumer mes métaphores défuntes.

Il est des heures ou des saisons où le stoïcisme et la résilience du verbe s'étiolent aux vents de la nuit...

Et les sabots d'acier du cheval sauvage cassés au fond du désert  au plus dense de la nuit ? 

Ô mes fleurs thébaïdales... !
Mes fleurs thébaïdales...
Les fleurs thébaïdales que je caresse...
Ô mes mains parolières...

© Raynaldo Pierre Louis ,
Mardi 14 juillet 2015,
00 : 01 am
( Voyageur sans repère ou la spirale de l'absurde, en cours d'écriture )

mercredi 15 juillet 2015

Apologie de la poésie

Apollon avec sa lyre
Tout ce qui nous entoure est poésie, notre relation avec les autres c'est de la poésie..., comme pour parodier de toute évidence un célèbre énoncé de Jackie Chan. A dire vrai, tout ce qui constitue l'univers est de matière poétique.  La poésie est en ce sens voyage-mysticisme-onirisme-sensation et fragilité. Un tel acte s'effectue et se manifeste à travers soi-même et à travers le monde; pour soi-même et pour le monde; le monde donné ou le monde vécu que l'on appelle destin par convention humaine.

La poésie est voyage. Errance. Introspection. C'est l'autobiographie même d'une âme en transit, toute la psychologie d'une vie, d'un individu ou d'un peuple donné. Mais par-dessus tout, elle se veut être beauté et élégance. Disons donc, '' de l'esthétisme avant toutes choses '', comme pour contrebalancer  '' l'Art Poétique '' de Verlaine. En effet, si la poésie avait été bel et bien utilisée comme arme de combat ou de révolution dans les siècles précédents, elle ne saurait donc se passer de l'esthétisme ou de la beauté au vrai sens du terme, sinon elle ne serait guère poésie, mais autre chose, avec un tout autre nom tout a fait particulier. Ce n'est sans doute pas pour plaisanter ou spéculer qu'on dit que '' la poésie est le langage des anges ''. Elle l'est, par essence, et c'est cette quintessence même qui la caractérise.

Ce n'est point aussi par esprit de fanatisme qu'on stipule qu'elle est '' le plus noble des genres littéraires ''. Sa justesse langagière, sa forme, sa fluidité, son équilibre esthétique qui rivalise avec les anges, son costume luisant de mots qui sautent aux yeux en sont les preuves incontournables et péremptoires. Tous les genres littéraires doivent quelque chose à la poésie, ne serait ce qu’occasionnellement. La nouvelle, le roman, le conte, le théâtre, l'essai... ont tous volé quelque chose à la poésie. Et ce petit quelque chose, certains pourraient l'appeler '' la sublime élégance des mots '', qui dansent à longueur de pages dans les boulevards ensoleillés de beauté, ou sur le féérique buvard du poète. On a même l'impression et le pressentiment que tout ce qui est beau et élégant en général relève donc de la poésie. Une surprenante hypothèse, une certaine probabilité toute teintée de sureté, par mégarde apparemment. A cet effet Joubert (1754-1824) nous parle en ces termes supra majestueux et assez époustouflants : '' Qu'est-ce donc que la poésie ? Je n'en sais rien en ce moment; mais je soutiens qu'il se trouve, dans tous les mots employés par le vrai poète, pour les yeux un certain phosphore, pour le gout un certain nectar, pour l'attention une ambroisie qui n'est point dans les autres mots ''.  Il s'en va disant plus loin : '' Les mots du poète conservent du sens même lorsqu'ils sont détachés des autres, et plaisent isolés comme de beaux sons. On dirait des paroles lumineuses, de l'or, des perles, des diamants et des fleurs ''. Joubert est, tout comme moi, un simple panégyriste et un fervent apologiste de la poésie.

Par ailleurs, les questions les plus pertinentes que l'on devrait se poser, seraient les suivantes de toute évidence : Pourquoi la poésie est-elle si mal vue aujourd'hui à bien des égards ? Pourquoi est-elle autant marginalisée ? Et pourquoi veut-on l'attribuer à tout prix à un simple jeu fantaisiste ? Et enfin pourquoi les gens préfèrent-ils les romans ? La réponse est bien simple, et très brève en effet. Certaines personnes s'attardent à trouver, soi-disant une leçon de morale en lisant un texte poétique, soit un conseil salutaire tenant à les fortifier. De toute façon une poésie peut-être une fable mais ce n’est pas une règle absolue. Même Montesquieu s'en prenait aux poètes, et Socrate lui-même notre vieux philosophe grec, eut à dire que : '' Les poètes ne comprennent pas ce qu'ils disent ''. Donc on les attribue au rêve, à la rêvasserie débordante, à l'inutilité et à la nullité même on peut dire. Ne dit-on pas que  '' les poètes vivent dans les nuages '' ?

Néanmoins on peut vivre sans poésie certes, tout comme on peut vivre sans philosophie, ce qui ne veut pourtant pas dire que ces dernières soient inutiles. Notre fameux Charles Baudelaire, disons notre prestigieux poète maudit nous avait bien mis en garde à ce sujet. Il nous a appris que : '' La poésie est ce qu'il y a de plus réel, c'est ce qui n'est complètement vrai que dans un autre monde. (...) Une foule de gens se figurent que le but de la poésie est un enseignement quelconque, qu'elle doit tantôt fortifier la conscience, tantôt perfectionner les mœurs, tantôt enfin démontrer quoi que ce soit utile... La poésie, pour peu qu'on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d'enthousiasme, n'a pas d'autre but qu'elle même; elle ne peut pas en avoir d'autre. (...) La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de défaillance, s'assimiler à la science ou à la morale; elle n'a pas la Vérité pour objet, elle n'a qu'elle-même ''. 

Voilà donc la véritable mission que s'était assignée Baudelaire à propos de la poésie. La parole poétique vient de l'intuition artistique, surgit de l'urgence de dire dans l'urgence du temps. Elle révèle le besoin de dire dans l'immédiat, de dévoiler ses états d'esprit, vomir son âme, ses joies fugaces ou constantes. Mais '' la tranquillité de l'esprit ne conduit pas à la création artistique '', et, '' il faut accepter de souffrir pour créer la moindre chanson ''. Comment peut-on prétendre écrire sans la moindre égratignure du cerveau ? Sans avoir appréhendé une seconde le fond de la douleur ? Ni palper l'ossature de l'abime ? Le monde même est chaos, et l'écriture surgit de ce chaos.  Nombre de poètes et d'écrivains ont bien illustré cette atroce comédie humaine. Baudelaire, Edgar Allan Poe en sont des exemples vivants, en passant par Rimbaud, Lautréamont, Homère, Frankétienne, Davertige, etc.. Le drame de l'écrivain est omniprésent, et ce n'est pas sans raison que Pessoa notre poète portuguais nous dit : '' La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas ''.

Nonobstant, la tragédie humaine, la poésie est catapulte de fulgurances magnétiques, catalyseur de mouvements novateurs, propulseur d'énergie motrice, créatrice d'étincelles nouvelles et de splendides novas, dessinatrice de rayons nouveaux nés dans un ciel nébuleux. Par la voie de la poésie le poète refait, réhabilite, réinvente et recrée le monde, sinon son monde, retrace sa route et gravite dans l'éther par le biais de la beauté, puisque poésie, par essence, est beauté, et la beauté peut, à son tour de toute évidence, chasser les scories, la rouille et la laideur de l'âme, il ne reste donc qu'à y croire.

Mais attention... C'est selon...Chaque poète attribue une fonction à sa poésie. Rappelons ou précisons qu'il existe deux catégories de poètes en ce bas-monde. Tout dépend en premier lieu de leur psychologie individuelle ou de leur vision personnelle du monde donné. Une première catégorie en quête de transcendance à tout bout de champ, et une autre prenant refuge dans l'autoflagellation. Néanmoins, leur point commun, demeure '' la sublimité du langage '' qu'elles pétrissent et sculptent ensemble dans le même pot ou le même vase de diamant, étant toujours accessible.  Pourtant, quoi qu'on dise, on écrit jamais pour rien, la poésie n'a jamais été un acte inutile, l'acte d'écrire recèle en lui-même toute une panoplie de vitalités. Et c'est peut-être la raison pour laquelle Pierre Seghers nous dit que : '' D'où qu'il vienne, et même les plus réservés, le poème est un cri d'amour : il appelle à une mystérieuse communion, il cherche involontairement une autre voix, une autre moitié qui est vous-même. Si la poésie ne vous aide pas à vivre, faites autre chose. Je la trouve essentielle à l'homme autant que les battements de son cœur ''.

Les poètes nous ravivent et nous rallument de leur petit feu intérieur, pétillant intensément. La poésie c'est une gerbe de fleurs. C'est une femme dénudée étalant ses seins à tous venants. Elle rassérène, bouleverse, embellit, agrémente et enjolive les furtifs instants de la pauvre existence humaine.  Que vive la lyre des poètes porteuse de lumière et de toute l'harmonie des cieux, bien que le monde tourne le dos à la beauté de l'âme pour s'empiffrer en retour de biens matériels et de toutes autres futilités de bas étage... L'individu sans beauté intérieure n'est rien qu'une masse de chair absurde, une misérable enveloppe hideuse, collée sur des os méprisables !

© Raynaldo PIERRE LOUIS,
Saint-Domingue,
Dimanche 26 avril 2015,
6 h : 21 am

mardi 14 juillet 2015

6 critiques sur '' Un Regard vers l'Orient de Raynaldo Pierre Louis

Assis sur des frontières galactiques, Raynaldo Pierre Louis nous téléporte d'une frontière stellaire à l'autre et à chaque fois nous l'accompagnons dans le centre de sa fièvre poétique. Celle qu'on attrape au large des îles. 

Étonnant argonaute revêtu d'une toison céleste. De quelques fils d'or tissés dans la fornication nocturne surgit, d'un ventre plein, chargé d'étoiles, l'homme des terres bleues. 

Avec lui, dans une langue enivrante, sur la crête des vagues, en équilibre précaire, nous voguons sur les percussions poétiques de Raynaldo passant d'un feu rougeoyant à la flaccidité d'un chant qui s'éteint dans la nuit. Vient alors l'instant fatidique de descendre aux confins de cette nuit où l'époux de Nyx, Erèbe, hautain, majestueux prince de nos terreurs nocturnes nous attend. Tout se dérobe sous la plume du poète. Tout se vole et s'envole. Comme des cailloux brinquebalés les mots s'écrasent sur les falaises d'une vie qui peine à mourir. 

Et pourtant la renaissance est à ce prix?! Le poète-homme des terres bleues à la rencontre du néant, de son néant, cherche l'ouverture. Il ne trouve que la plaie béante de ses blessures anciennes, encore vives. Et nu dans sa robe de peau pour seul vêtement comme l'Adama, glébeux et sanglant, il rejaillit des entrailles au premier orage du monde et avec lui la création est en marche.

Un à un, les mots vont remonter de la nuit de l'incréé. Tout est à refaire, reconstruire encore et encore, avec de pauvres mots qui ne sont que l'en deçà des mots. Comprendre enfin que le mot n'est qu'un geste, un geste qui zèbre l'espace, un geste qui nomme, un geste créateur, un geste qui construit, un geste qui constitue dans le néant qui n'est pas le vide mais cet espace entrebâillé pour permettre au poète d'être dans le Réel de l'Univers et avec lui, en osmose cosmique. 

C'est la tâche que s'est assignée Raynaldo Pierre Louis et qu'il met en œuvre dans « Un Regard vers l'Orient ». 

Cet Orient dont notre Occident s'est amputé nous laissant boiteux avec le poète pour seule béquille. 

© Cristian Ronsmans 
Conférencier, Bruxelles

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Si, au regard de certains poètes la poésie ne relève que de l'imaginaire, elle devient pourtant sans conteste art sous la plume de Raynaldo Pierre Louis. Art, bien évidemment, de ciseler, de façonner, de modeler, de tisser des mots à la limite du beau et de l'agréable. Ainsi donc, le véritable poète sera tailleur de mots ou ne sera pas. Et, Raynaldo Pierre Louis semble, en être pleinement conscient de sa vocation de poète véritable et « Un Regard vers l'Orient » en est l'irréfutable preuve. En effet, jamais poète n'a eu autant d'emprises sur les mots, jamais poète n'a su manier avec autant d'élégance, de dextérité, de sublimité les mots pour en faire un livre. Un Regard vers l'Orient est d'abord un chant, une musique qui se joue à l'infini bleu de la mer. D'entrée de jeu, le livre s'ouvre sur un cri, une appellation: « L´esprit pédale…/L´esprit pédale.../L'esprit dépose ses pieds de faim/Sur les pédales de l'ivresse/L'esprit s'enivre/L'esprit s´en saoule/L´esprit a une odeur de poésie ». Le poète interpelle l’esprit. Car, il sait pertinemment que seul l'esprit et non le corps soit apte à appréhender l'intensité et la densité de son livre: « Densité nocturne/Fugacité jubilatoire/La nuit préface les songes du poète ». Le jeune poète, jeune vraisemblablement par le nombre d'années qu'il égrène d'ailleurs sous le soleil, car la poésie a atteint la maturité dans sa main nourricière, nous livre un secret, il le dit magistralement: « Mon poème est un parafe/Et moi j'écris avec l'arbre ». L'arbre de la connaissance du bien et du mal sûrement. Car, son livre est la somme de toutes les connaissances. « Un Regard vers l'Orient » demeure un réel délice pour les yeux, même pour les plus exigeants. En somme, dans ce livre où : « Gravitent pêle-mêle/Mes syllabes de deuil». Et, « J´habite le creux des mots/ pour trouver ma part du vide ». Et, ça devient: « Un poème mille pattes/Déposant ses pieds partout dans le non-lieu ». Tout compte fait, « Un Regard vers l'Orient » reste et demeure un livre-culte où apprenti-poète et amoureux du beau et du merveilleux poétique trouveront de quoi nourrir leur imagination.

© Valmy Yacinthe 
New Jersey

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Un Regard vers l’Orient est un recueil qui dédicace le verbe aux maintes abstractions de la pensée qui n’ont pas eu l’aubaine d’effectuer ce grand pèlerinage de l’encre noire sur l’écran de la maudite page blanche. Et s’emboîte l’envol, vers un territoire de feu qui supplante le vivant d’en bas par la plus perçante des visions : le regard lointain qui dissipe les illusions d’optiques. Un décollage qui emporte des provisions de la nature pour des prévisions d’une Odyssée plausiblement rude et sereine. Le poète est solitaire, et à bord de sa navette l’exploration de ses pensées est d’abord la meilleure boussole pour le guider dans cet espace impétueux qui détonne à l’écho de son monde. Il a foutrement le temps de se redécouvrir, annexé de son nouveau membre-¬verbe, jadis tant nocif à sa santé de terrien, qui l’apostrophe, le gueule et le crie à tue-tête dans la prétention que « les oreilles de l’univers sont coupées ». C’est un assaut soudain à la cause du verbe, une rixe d’un tel fracas que seule l’apesanteur léthargique peut atténuer les dommages, mais dommage le poète dans ce monde isolé, est collatéral.


Pour atterrir sans SOS, Un Regard vers l’Orient est une nouvelle façon de voir le monde, un monde kafkaïen cousu de fil blanc que même Ariane se met au minotaure pour rechercher Thésée dans les méandres labyrinthiques. C’est un recueil bien nommé, tant la chaleur des textes et le crépitement des images font sombrer le lecteur dans une apothéose sensorielle qui fait fondre la cire et tomber les masques effrayés par des gueules de bois au soleil levant. En effet l’auteur s’est limé les ongles de son stylo dans un langage lyrique tenant les vers en forme et les préserve de se briser à l’impact des sens du lecteur. Des vers qui s’éloignent en vagues et un champ lexical louvoyant à ce rythme. Les jeux de couleurs, ou doit-on dire des anti jeux d’effets, paradent et l’on se retrouve constamment dans un affrontement entre ténèbres et lumière. C’est le style d’une poésie qui se raconte et s’émerveille, elle implémente et réveille ce marbre brut, véritable métamorphose narcissique qui enjolive l’air de rien l’atmosphère pendant que mots furent sons et que silence daigne faire place à quelque chose de plus beau qu’est la poésie.

© Gabriel Wensley Alcindor,
Poète et passionné de lettres,
Gestionnaire, et pratiquant en Administration

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Posé à travers les vents de sable

« Or moi
Poète du sable 
Je me suis ensablé loin de la brise 
Qui vient de la ville 
Et la poésie
Quoi qu’on dise
S’écrit aussi sur du sable »
Bercé par l’écume de mer ou les pages arrachées par le souffle d’Eole, Il est difficile de parler d’un livre de poèmes signé Raynaldo Pierre Louis . Son imaginaire nous emporte, nous piège, nous laisse parfois stupéfaits comme devant cette lampe qui s’éteint « sur la petite table de l’Apocalypse ». 

Un brin , oui, un trait de génie quand le ressenti de la douleur s’exprime en métaphores superbes :
« Ce poème 
Est une page blanche
Sans un mot
Mais dedans 
Il y a une brise qui pleure ».

La poésie est création , nous le savons , ne serait-ce que par son origine ,mais quelle création ? Il faut souhaiter que la plume du poète soit effleurée par les ailes de l’ange. C’est bien le cas en ce qui concerne Raynaldo Pierre Louis . Il nous conduit aux rivages du Styx à travers de « vastes palais d’oiseaux noirs défunts » qu’il évoque « le Royaume des Enfers » guidé par les arcanes de la mythologie , ou tout simplement quand la mort tournoie par une nuit lourde d’angoisse , quelque chose de divin tremble dans le néant : des battements de cœur invisibles sont là, suspendus dans la pénombre où : 
« le sanglot descend comme un 
Plain chant dans les tempes de la nuit » 
Inspiration née de contrées rarement explorées, mais aussi d’innombrables lectures effectuées dans la rumeur incessante d’une capitale . Méandres de la pensée ,éprise de connaissances , méditations autour d’un manque initial causé par une enfance et une adolescence volées .
Je ne peux m’empêcher d’évoquer les beaux vers d’Alfred de Musset :
« L’homme est un apprenti , la douleur est son maître
Et nul ne se connait tant qu’il n’a pas souffert ».
Epreuves que l’auteur nous confie avec les mots d’aujourd’hui :
« Et il a fallu une cogitation 
De rudes pierres 
Une méditation de briques 
Pour exorciser les cimetières qui errent ».

Le poème : « L’immortalité des blessures » s’achève par une invocation rimbaldienne :
« Ô les voilures lacérées 
De mon frêle navire flottant »
Vers lapidaires et désespérés qui évoquent la fin du « Bateau Ivre » 
« Un enfant accroupi plein de tristesses ;lâche 
Un bateau frêle comme un papillon de mai. »
Cet enfant plein de tristesses , ne pourra jamais s’effacer du cœur du poète , immortelle douleur marquant une œuvre qui sera sans doute inoubliable .
Enfant portant en lui un désir d’évasion , jeune poète rêvant d’une épopée sans fin , le menant à des rivages inconnus.
Le thème du Voyage si fréquent en poésie , revêt ici un aspect ésotérique , car le poète rentre en lui –même usant d’un paradoxe .
« J’ai percé un petit trou dans mon corps 
Et je rentre en moi ,
J’explore mes os 
Mes tripes 
Mes artères 
Mes veines »

Une forme invisible s’évadera de son corps ,pareille à celle que font naître les spirites , les chamans ou certains mystiques .
Pouvoir conscient ou inconscient , recherche aux limites de l’être , nul ne le sait, toutes le suppositions s’offrent à nous .
Un fait est certain , l’auteur suit la Voie royale , celle de Guillaume Apollinaire, de Paul Verlaine ,de Gérard de Nerval , ouverte par Arthur Rimbaud et les poètes maudits, mais qui n’est pas maudit à travers cette planète pourtant extraordinaire de beauté .
Au mal-être évoqué s ’ajoutent ceux de l’exil et de l’insularité.
Dans un poème intitulé: 
« Quand il est un crime d’être insulaire » Raynaldo Pierre Louis s’exprime avec un art qui n’est pas sans rappeler l’époque classique :
« Je ne suis pas le chant qui berce la mer
Ni le chant qui endormit les fleuves
J’ai le chant fauve dans mes veines rouges ».

Notre lecture est rythmée par les tableaux surréalistes de Jacques Pierre Lefort. Cependant deux pages nous invitent à suspendre notre progression: 
« L’insuffisance du Langage »
Chaque artiste recèle en lui-même une motivation secrète grâce à laquelle il accomplit son œuvre . Ecoutons le poète familier des introspections: 
« Moi j’écris pour me saigner …Me blesser rudement …
Nulle finitude 
Je vis hors du temps »
Quelque soit la médiation, l’écriture, la musique, le mouvement du corps ou les métamorphoses de l’objet, l’artiste sera toujours limité dans son expression, et devra faire face sans relâche à « L’insuffisance du langage ».
Car tout vient de l’humain et se prolonge par la matière, alors que c’est l’âme dont il est question, l’âme qui veut rejoindre à tous prix les espaces de l’absolu. 
Raynaldo Pierre Louis malgré tout continuera sa quête même s’il n’est: « qu’un animal dans la nuit . »
La sensation de l’exil, « l’étrangeté » de la vie, l’hiver qui étreint son corps au pays de l’éternel été , ces sentiments ne s’éloignent jamais au fil des textes . 
« Et je m’enroule dans l’adultère de la grammaire glacée ». 
Dans « Vomissures » le message est sans équivoques:
« Le poète n’est pas bien chez soi 
Et le poète n’est pas bien ailleurs
Mais où prendre refuge
Nulle part »
Exilé très jeune de son pays natal, l’auteur ne sait où reprendre racine . De nos jours toute terre est inhospitalière, toute contrée inhumaine. Que peut attendre celui qui vient d’ailleurs?
Il ne peut espérer que :
« La balade des vampires nocturnes 
Balade des chauves-souris innomées ».
La poésie de Raynaldo Pierre Louis dénonce le mensonge des mots, les bonheurs illusoires , les assertions frelatées :
« Nul poisson n’est heureux dans la mer des caimans ». 
Cette quête infructueuse du bonheur amène l’auteur à se projeter 
Dans : « Un Regard vers l’Orient » dernière partie du livre.
Ces poèmes sont une véritable confession, car l’auteur nous ouvre son âme avec ses dégouts comme ses émerveillements. 
D’une plume agile il donne vie aux mots , dans une fantasmagorie d’ombres chinoises, il les domine, les projette, construit ou déconstruit comme un architecte céleste , dans le courant de ses joies ou de ses moments insupportables.
Quand l’écriture du poète se heurte à un mur, ce ne peut-être que par un excès d’âme, un trop plein d’émotions.
Ai-je parlé de la beauté des mots , des images , des métaphores :
« Nul homme n’a racine
Quand se rompt l’arbre du rêve »
«Je porte le bleu qui ne finit pas 
Depuis le matin de l’exil » 
Ainsi je pourrai citer tout le livre. J’évite aussi l’analyse du style qui se fond dans l’art du dire. A vous lecteurs , si vous aimez les flamboiements , les métaphores étourdissantes , les outrances de l’imaginaire , vous ne pourrez vous détacher du voyage intérieur que vous propose Raynaldo Pierre Louis dans son nouveau livre : UN REGARD VERS L’ORIENT .

© Denise Bernhardt le 10 Juin 2015,
Sociétaire des Gens de Lettres de France

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Madame, Monsieur, qui que vous soyez, où que vous viviez, entrez Adulte ou comme moi atteint du syndrome « Peter Paon » ni oiseau, ni migrateur, mais de furieux coups de vent m’ont fait m’envoler vers la folie d’écrire des suites de mots, sans carte géographique, un Atlas dans la tête, je tremble de plaisir en ouvrant « Un Regard vers l’Orient » un livre de poésie rare aux Editions du Pont de l’Europe, la couverture est flamboyante, comme le ramage, mi-ange, mi-démon, qui hante la plume de son auteur.

Oyez oyez ! Osez entrer dans ce livre, ce recueil sans écueil, fin et soigné, lisez ce message, cette bouteille qui trouvera, je l’espère, son courant d’air frais, son « gulf stream » pour arriver au Finistère, et partout en France sur mer, plaine, ou montagne. Son écho. Et donne une L majuscule aux lettres vivantes. Ici de chez moi, fenêtres aux vents ouvertes, l’esprit en alerte, puisque mon monde se situe au bout du monde, la tête de la « pen ar bed » né breton, là où je lis dans mon nid, le lit de ce grand livre. L’auteur y puise son courant dans de multiples veines, mille tulipes, dirais-je, Rimbaud ne sera jamais Minuscule, besoin de personne pour écrire ses dix-sept-ans, il composait l’ivresse du navire tant sa vie basculait jeune et tendre sans quille, des coups de gîte et de tabac à mis bat, ce coup de chapeau. Plus étonnant de ton et de parole du neuf trois en compagnie de, que dis-je du Majuscule contemporain « Grand Corps Malade » de sa citation vient le nom du premier chapitre. « Un Regard vers l’Orient » c’est une promenade au cœur et au corps de son cœur, sa cervelle navigue sur les phares de l’Ouest, née au creux d’un volcan qui marque son identité, même masquée ; moi, je vis à Brest et j’ouvre mes yeux, seul au port, et je ne regarde plus que mes confrères voler, voler une île ici. Ouessant est mon île, mon Hêtre s’exprime d’un aber, celui du Saint Ildut, Haïti ses racines à Raynaldo, ne voyez pas en moi mes canines, ici pas de crime, pas de glace pour ceux qui acceptent de voir la page 2 sur les 178 pages, une image qui parle, que vous soyez de n’importe quelle confession, athée, animiste, ou agnostique, restez libre de chercher le beau, soyez esthète, et fin. Ce livre n’est pas un simple verre dans un rade où l’on parle de ses conquêtes, lieu où l’on pêche souvent par absence de soleil, miroir, le soir de l’avis de tempête, parlons-en, ou dans une rade de Brest ou d’ailleurs, du Sud, de l’Ouest, à l’ Est, ne perdez pas le Nord, osez oyé oyé jeunes gens entrer dans son multivers, sa corde sensible, l’univers de Raynaldo Pierre Louis est caméléon, un serpent-couleuvre son œuvre s’ouvre où je vous invite à lire le petit mot de l’auteur, ce message aux multiples vers, non pas une bouteille grappe fleurie, pas du picrate, ici vous êtes dans un vin divin, un grand cru !

Soyez, enfin ne soyez pas de soie, ni pudibond, l’homme a de la ressource acceptez pour une fois voyeur et à la fois voyageur, sans voile de pudeur, il donne son âme car Raynaldo Pierre Louis est assurément un grand dans cette case qui définit le poète celui qui vous fait rester enfant, il calcule chaque mot, chaque virgule, et se fait rare comme l’oiseau nous permet de rêver, de s’élever au ciel, sans mourir. Au fond de mon verre d’eau, je me sens pas si loin de ce jeune Homme, notre regard est triste de voir nos nuages, terre à terre, quand nous violons nos âmes, nous forçant à sourire quand la mort vit dans notre fond, sans gloire, nos sanglots sonnent et résonnent, mais place à ce jeune homme d’Haïti auteur de plusieurs recueils que vous trouvez facilement sur la toile aux étoiles, laissez-le parler, moi, je me tais et reste humble face à la nature et peu en phase en compagnie de la nature Humaine, je cite ses premiers mots : « Je cherche autre chose pour mon âme fatiguée, et… par accident, j’ai croisé la poésie, elle m’accueille… Mais si je suis trop attentif au chaos du monde, je ne serai jamais heureux. Alors je crève mes yeux pour ne plus rien voir, la cire dans mes oreilles, je marche au bout de moi-même au seuil d’une autre lumière, juste cachée là à l’intérieur » : le poète est celui qui voit derrière les nuages une étincelle, j’aime ses titres ; p.20 « Dans la fugacité des lueurs »… Je me tais place au poète, sortez de l’Occident ouvrez, en confiance, sans accident « Un Regard vers l’Orient ». Dans ce livre si singulier cet auteur majeur du second millénaire Raynaldo Pierre Louis saura vous surprendre.

© Jean-François Joubert,
Romancier-nouvelliste-poète-conteur,
Depuis la ville de Brest…

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L'Orient est une contrée imaginaire, comme l'Occident , car la planète est ronde . En effet l'Inde qui est située à l'Orient pour les européens est identifiée à l'Occident par les indonésiens,et son nom antique ''Bharat'' sert même à désigner l'Occident dans son ensemble . Alors je définirai l'Orient comme l'horizon où le soleil se lève. Et, nous dit Raynaldo Pierre Louis : ''Quel vampire pourra s'esquiver/Devant toute la chaleur de l'Orient ''.Ce qui me parait caractériser les poètes authentiquement catalytiques du 21ème siècle, c'est cette capacité de percevoir à la fois la beauté de l'univers et la monstruosité de la plupart des ambiances humaines . Ce qui suggère la nécessité d'un saut évolutif de l'espèce prédatrice, car ce sont ses automatismes instinctifs qui plombent sa joie d'exister .Raynaldo Pierre Louis: ''dis moi/qui peut donc annihiler/l'absolu du malheur ''.Le travail de l'artiste, dès lors, consistera à se fabriquer consciemment une thérapeutique ayant pour but d'aplanir cet écartèlement entre la généreuse splendeur cosmique, et les outrages humains chroniques.

Et même lorsque le regard du poète se tourne vers l'intérieur, il se découvre tatoué d'une multitude de conditionnements sociaux et biologiques. Raynaldo Pierre Louis: '' Mon corps/Dépositaire de palabres/Et d'oracles loufoques/dans l'immensité du mensonge//Vieux temple de poussières massives/où les fous se prosternent/En sens inverse du sens /C'est un marché de mots bruyants/Qui se disputent/ S'entregiflent/S'entrechoquent/Dans le choc de ma voix ''.

Alors comment échapper à cette fatalité apparemment '' du mensonge '' qui chez les bêtes humaines prédatrices inverse toutes les hiérarchies de l'harmonie cosmique? La catalyse artistique doit opérer une transmutation de sa conscience. Celle ci, quoique pesante et presque impuissante, doit se métisser avec les traces d'une nature plus légère, plus libre. Raynaldo Pierre Louis: '' les quelques voyelles du poème s'envolent/comme un oiseau aux ailes lourdes/telle l'hirondelle aux ailes mouillées/dans les averses du printemps/poète malade/je suis couché sur le lit des phrases/un vase devant moi/je crache/je vomis…/et que viennent les amants des lettres/aux alentours de ce vase qui pue/pour humer à longueur de secondes/cette hideuse vomissure de mots ''. Mais le poète n'a que des mots pour tenter de concrétiser ses aspirations spirituelles et matérielles et ces mots sont eux mêmes englués dans les limites d'un langage insuffisant pour percevoir le monde et ses possibles en dehors des cadres que la communauté humaine a fixé à la vraissemblance. Chacun désire un monde meilleur mais reste addicté à ses esclavages biologiques et psychologiques. D'où cette attraction ambivalente pour nos propres marécages et la volonté farouche de s'en délivrer. Alors , pour le poète qui ne fait que partager la chronique de ses combats intérieurs , quel sera le contre-poison, sinon adhérer , s'identifier toujours plus à cette part de la nature pas encore asphyxiée par les appétits mortifères des termitières humaines. Ce sont ces signes trouvés dans le livre cosmique de l'existence qui vont aider le poète à sortir de la fatalité cadavérique de la condition humaine qui est comme marquée au fer rouge par ses désirs contradictoires et donc source de frustrations perpétuelles . Raynaldo Pierre Louis: '' S'embarquer à l'autre bout du monde/Jeu de carte interminable/dans la surdité des mers/mais écrire/écrire je dis/est un subterfuge/un artifice/que tisse le sculpteur/à dessein de s'halluciner soi même/dans les abysses du bleu''.Eh oui la fatalité biologique de la bête humaine n'est pas si simple à transmuter. Néammoins peu à peu le poète perçoit que tout ce qui peuple l'univers est assemblage de poussière Divine d'étoiles. Comme l'écrit un autre poète issu d'Haïti, Jouby Alexandre: '' Une fois arrivés, vous vous apercevrez que le monde illusoire suscitant tant de cupidités n’est qu’un assemblage d’ondes et de fréquences, un reflet mal interprété de la réalité.''

Cette tentative de l'humanité de dépasser la logique des instincts animaux est à l'origine de la démocratisation de l'éducation et celle-ci a engendré une foule d'artistes et de poètes, et dans cette population de plus en plus abondante sur le net, les tâtonnements de la créativité humaine deviennent de meilleurs repères identitaires que les anciens égrégores grégaires des communautarismes . Néammoins, la plupart de ces apprentis créateurs, ne connaissent que l'arbitrage de leurs égos, milles consciences qui se sont capables d'écoute que dans les limites de leurs propres perceptions et expériences .Alors '' Il faut chanter et danser pour soi-même/quand les oreilles de l'univers sont coupées'' (Raynaldo Pierre Louis). Comme le langage est outil de communication, nous continuerons d'espérer en l'écoute d'autrui, les saluts individuels sont vite asphyxiés sans la solidarité ou du moins la tolérance sociale. Néammoins on ne peut compter sur l'écoute d'autrui qu'en de rares occasions. Si le poète catalytique a trouvé un élixir pour adoucir sa condition humaine, sa potion ne sera désirée par autrui que si elle semble avoir fait ses preuves dans sa propre vie quotidienne. Pour cela mieux vaut compter sur le chant et la danse , qui introduisent de façon moins mélangée à une autre dimension de l'existence, davantage accordée à la mathématique cosmique, celle des galaxies. Et si la conscience des potentialités de ces arts ne reste pas virtuelle, l'être humain y trouve des rythmes pour se transformer petit à petit. Hélas, semble constater RPL: '' Point d’instruments et de danseurs bénévoles ''.... Et au fond les outils sensoriels de toute expression prennent leur essor sur la base de leur en deça méditatif . L'extraversion ne concrétise que les aspirations de l'introspection. RPL : '' la quête intérieure continue. Je suis un animal dans la nuit, un nuage qui passe,un météore éblouissant. Et mon poème s’évade avec moi-même,tel papillon de mai…'' Même si la transmutation du singe humain en lui n'est pas complète (RPL: '' Véritable pays de Cocagne en otage ''),vu que dans ses démarches quotidiennes subsistent les dents et les membres qui ne sont pas ceux du papillon de rêve, le poète , au fil de son mûrissement dans la sincérité de ses aspirations, devient de plus en plus conscient de son identité de '' poussière d'étoiles ''. Il découvre dans ses composants physiques et mentaux l'identité même de la matière radieuse du poème cosmique avant qu'elle ait été détournée pour la construction des égos animaux . RPL: '' Dis au temps/Que je suis un poème/Planté dans le bleu de la mer ''.

Il apparait impossible de transmuter la destinée humaine en se contentant des nourritures matérielles ataviques. Même il nous semble également périlleux d'y renoncer. Néammoins le poète-chercheur est de plus en plus aimanté par les nourritures cosmiques, les rayons du soleil à l'origine de toutes les nourritures terrestres, rayons qui se sont densifiés dans des formes. (RPL: j'ai scié/la chaîne/et coupé/la corde/pour une soif/verticale).

Cette élévation provisoire ou durable de la conscience permet alors de mieux comprendre le théâtre des illusions humaines et donc de mieux agir sur lui, pour le meilleur - ou pour le pire certes, car à tous les stades d'une évolution, la conscience peut se replier sur ce qui lui reste d'ignorance comme sur une sorte de chambre confortable, un conservatisme à oeillères ( RPL : Allons nous/donc diviniser le diable) .Mais le début d'illumination de la conscience a commencé à rendre possible un processus de démystification . RPL: '' Allons nous/donc démasquer les singes/Les dinosaures les alligators ''.

Et chez le poète il y a le pressentiment d'une mission cosmique. A force de porter l'écho de la lumière, voilà que sa conscience s'en trouve toute imbibée, et communie dans un horizon d'amour qui rassasie. RPL: ''Je deviens ce chantre de lumière spatiale/Dans la rivière argentée de l’aube/Je salue le soleil/Dans son rouleau d’arcanes/Je salue les étoiles/Dans leurs mystères ''.
Eh Dominique, me dira-t-on, est-ce que tu ne projetterais pas plutôt sur la poésie de Raynaldo Pierre Louis toute la démarche de ton Théâtron et de son oiseau de Paradis, de ses chants à danser en visualisant des couleurs (RPL: '' Ô oiseau de l’espace-temps/Du vaste firmament bleu '')? Mais bien sûr! Ou plutôt j'ai apprécié dans ses poèmes des intuitions sur lesquelles j'ai bâti ma vie, une méthode , une oeuvre ,depuis bien longtemps ...

Et c'est parce que j'ai retrouvé en germe cette même logique, qui, poussée à bout, m'a transformé, que je le salue comme un des poètes catalytiques majeurs de ce début du siècle, même s'il reste un enfant comme nous tous. Franchement, quel autre mouvement littéraire et artistique , en ce début du siècle 21 associe tant d'auteurs consistants que la HORDE CATALYTIQUE POUR LA FIN DE L'ANTHROPOPHAGIE, de Patrick Quillier à Alexandre Gerbi, en passant par Jay Cee , Sylvia Bagli, et Raynaldo, et de bien d'autres ,en français et en espagnol, dont on trouvera la liste complète sur le net, liste à laquelle nous ajouterons tous ceux qui se reconnaitront dans les ruminations ci-dessus sur la nécessité d'orienter les capacités créatrices de chacun vers un saut évolutif de l'humanité au-delà des frontières et des communautarismes, au-delà de '' l'immensité du mensonge/Vieux temple de poussières massives/où les fous se prosternent/En sens inverse du sens ''.

Et je dirai des créations des artistes catalytiques ce que Raynaldo Pierre Louis dit quelque part d'un de ses poèmes:'' Ce poème /Dans son apparence humide/Est un poème écrit à 100 degrés/Pour dissiper le froid’’.

© Dominique Oriata Tron,
Depuis l'Espagne,
Janvier 2015